Mes trois articles de fin d’année 2024
Parallèlement à ma création de cartes et data visualisations, il m’arrive aussi de rédiger des articles scientifiques. Et ces derniers mois n’ont pas été improductifs, puisque j’ai terminé et soumis à publication trois textes !
1. L’appel Spatialement et dans tous sens : méthodologies, méthodes sensibles et géographie de la revue Norois se concentrait sur les différentes problématiques liées à la géographie sensible. À partir de l’arrivée tardive du « sensitive turn » en géographie, l’appel à texte constatait le développement d’une géographie des émotions, se structurant au travers du label de « géographie sensible ». L’émergence de cette nouvelle appellation conduisait les auteur·ices à questionner la notion, tant pour l’objectivité et à la scientificité des savoirs produits, que pour la « définition » de ce champ d’études et des conséquences que cette dernière impose sur la « manière de faire la recherche » en géographie.
Proche par ma pratique de la cartographie sensible, la géographie sensible constitue pour moi un champ disciplinaire logique quant à la réflexion de la place des « émotions » et du « subjectif ». La relation au terrain et le positionnement du lea chercheur·euse vis-à-vis de celui-ci me paraissaient essentiels, m’amenant à mener un raisonnement épistémologique quand au rôle du « terrain » et de son « expérience » dans la géographie sensible.
Mon texte se terminait sur la conclusion suivante : bien que tributaire de la géographie culturelle et féministe, la géographie sensible se distingue par sa tentative de mettre fin au dualisme entre lea chercheur·euse et lea sujet·te caractéristique de l’enquête de terrain. Elle privilégie la mise en place d’un espace-temps propre visant à sortir — tant lea chercheur·euse que lea sujet·te d’enquête — des différents dualismes, injonctions et dominations subies sur le terrain/territoire, grâce à une nouvelle relation construite sur la mise en partage des mondes sensoriels et sensibles de chacun·e.
Originellement, l’article devait aussi traiter des liens entre géographie et littérature, et en particulier de l’intérêt à réinvestir des analyses et des théories « littéraires » pour étudier et décrire les données haptiques, les non-dits et autres data de ces moments de « mise en partage ». Mais cette partie m’amenait à un ensemble bien trop conséquent au vu de la limite de 50 000 signes demandés par la revue ; j’ai dû fortement réduire mon texte.
2. L’appel Politique des objets du journal Tracés est entièrement à l’opposé des émotions et du « sensible ». Bien que sa thématique se concentrait sur les « objets » (et potentiellement les émotions produites par ces dernier·es), la revue les envisageait principalement sous leurs aspects « politique », que ce soit dans une perspective critique de leurs analyses, leurs participations et leurs représentations en politique, ou la normativité et l’idéologie qu’ils (sup)portent.
Or, ces différents questionnements sont au cœur même de mon mémoire de recherche de Master. Traitant des débris/déchets spatiaux dans l’espace extra-atmosphérique, je m’étais intéressé à leurs gestions technoscientifiques et à leurs implications politiques pour les acteur·ices en orbite. J’y avais en particulier présenté l’idée que plus que de simples débris/déchets, ils étaient de véritables objets géopolitiques et géoéconomiques, qui dépassaient la vision technique et écologique qui leur est traditionnellement associée.
L’article reprenait ainsi plusieurs concepts de mon mémoire de recherche (dont l’insertion des débris/déchets dans 3 modes de gouvernement des risques technoscientifiques), tout en y apportant son lot de nouveauté. Je développais bien plus les raisons de « l’oubli » de ces objets lors du début de la conquête spatiale, et de leurs constitutions en « problème » au tournant des années 1980.
Cet article a failli ne jamais voir le jour. Pris dans les méandres de l’écriture, je dépassais grandement mon planning et la date de rendu imposée. Mais l’équipe coordinatrice a eu la gentillesse de me proposer un délai, ce qui m’a permis de le terminer. Le texte transmis a néanmoins été tronqué de 30 000 signes — des développements sur l’intérêt tactique/stratégique de l’« oublis » des débris/déchets spatiaux, de même que leurs liens avec le gouvernement de l’adoption ont été supprimés pour arriver aux 50 000 signes demandés.
3. Le site Visionscarto ne fonctionne pas par appels à texte, mais est « un lieu d’échanges ouverts » principalement centré sur la géographie et la cartographie. J’y avais participé en juillet et en août 2024, avec des billets sur la cartographie de la géopolitique de l’or au Kenya et sur la Journéede l’Identité de la Jeunesse Nouméenne (JIJN).
L’idée d’un atelier de cartographie sensible revenant sur les trois premiers mois de violence en Nouvelle-Calédonie m’est venue dès le début de la crise calédonienne, mais semblait impossible à mettre rapidement en place. En août 2024, en pleine correction éditoriale, Philippe Rekacewicz réactivait ce projet, m’amenant à l’organiser au Rex Nouméa le 29 août 2024 avec l’aide de Tehani Omar.
Comme pour la JIJN, l’atelier est devenu le prétexte pour un article dédié, présentant les discours explicatifs (géo)politiques de la crise calédonienne de 2024. À l’inverse de mes habitudes, j’ai construit mon plan à partir des citations poétiques de Déwé Gorodé, Nicolas Kurtovitch et Grace Mera Mollisa, qui forment la véritable structure de l’ensemble. La synthèse des différents points exposés dans le prologue m’a causé en particulier quelques difficultés, tant la recherche bibliographique était conséquente. Plus d’une quarantaine de sources ont été compulsées dans le cadre de cette écriture.
L’article a été publié en français le 10 janvier 2025.
Au final, ces trois thématiques très diverses — et à priori indépendantes — m’ont pleinement occupé en cette fin d’année 2024. Si l’un des textes commence sa vie éditoriale sur Visionscarto, les autres sont en cours de relecture/correction par les comités scientifiques des deux revues. Il est très probable que ces deux textes ne soient jamais validés ; mais ils ont été pour moi une expérience enrichissante et structurante, tant d’un point de vue de l’écriture/style que de la réflexion/pensée. Peut-être les publierais-je sur ce blog s’ils sont refusés ?
Je n’ai que deux regrets :
– Avoir fait le choix (par manque de temps et d’énergie) de ne pas utiliser l’écriture inclusive pour les appels à textes de Norois et de Tracés ;
– Ne pas avoir eu le temps de produire des schémas et des infographies explicatives pour ces deux mêmes textes.
Espérons que je puisse résoudre ces deux points lors des retours et de la relecture !
Lire « Trois mois de violences en Nouvelle-Calédonie à travers les cartes sensibles » → https://www.visionscarto.net/trois-mois-de-violences-en-nouvelle-caledonie
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